D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné par l’eau. Je me rappelle encore très bien la première fois où, enfant, j’ai ressenti toute la force et la beauté de cet élément. Ma famille quittait le Royaume-Uni pour le Canada (la Colombie-Britannique, pour être précis), où l’eau et la forêt occupent une grande place. J’ai découvert toute l’immensité et la richesse de ce territoire – à l’école, mais aussi, littéralement, sur le terrain. On peut dire que cette relation particulière avec la nature a fait de moi l’ardent défenseur que je suis – une vocation qui s’est imposée à moi sur les bancs de l’Université de la Colombie-Britannique lorsque j’étudiais l’économie du développement des ressources.
Si cet article pouvait y contribuer, j’en serais heureux.
J’ai consacré l’essentiel de ma carrière professionnelle à la santé et à la sécurité du public et de l’environnement, au Canada et à l’étranger. Dans ce cadre, j’ai participé très activement à la rédaction de réglementations en matière de santé publique et à la mise en œuvre d’un nouveau programme relatif à la sécurité chimique. J’ai interrompu ces activités pendant deux ans, le temps d’une mission au Mexique auprès de l’Organisation panaméricaine de la santé (PAHO). À cette occasion, j’ai été impressionné de voir à quel point les enjeux de qualité et d’approvisionnement en eau étaient importants dans cette région – une préoccupation qui refera surface dans la suite de mes travaux.
De retour au Canada, j’ai repris ma carrière dans l’environnement et la gestion des ressources en eau jusqu’à mon départ de la fonction publique en 1992. C’est alors que j’ai rejoint l’Association canadienne des eaux potables et usées, qui représente les intérêts des municipalités sur les questions de l’eau, en qualité de Directeur exécutif.
Au cours des 18 années de mon mandat, j’ai pu admirer (et admire toujours) l’engagement dont font preuve les services municipaux des eaux et leurs responsables pour fournir à la collectivité de l’eau potable en volumes suffisants, et pour collecter et traiter les eaux usées. Ils mènent à bien cette mission en s’appuyant sur les réglementations et les normes, soucieux de leur responsabilité en matière de santé publique et d’environnement.
C’est dans le cadre de ces activités que j’ai décidé de mettre bénévolement mon savoir-faire au service d’un projet d’évaluation de la gestion des eaux au Botswana, en Zambie et au Zimbabwe, et d’aider à résoudre les problèmes d’approvisionnement en eau qui frappent la Vallée de Katmandu, au Népal. Ces deux expériences n’ont fait que renforcer ma volonté de trouver des solutions pour la gestion de l’eau, partout dans le monde.
Une nouvelle page se tourne
Alors même que je me croyais au faîte de ma carrière, une opportunité de revenir à la normalisation, directement dans le domaine de l’eau cette fois, s’est présentée. En 1998, je me suis donc consacré à plusieurs projets de normalisation concernant les technologies hydrauliques et le traitement des eaux, au Canada et aux États-Unis.
C’est donc tout naturellement que j’ai souhaité me joindre aux efforts menés à l’échelon international pour élaborer des normes relatives à l’évaluation de la performance des services municipaux des eaux. Quand l’ISO a créé le comité technique ISO/TC 224, Activités de service relatives aux systèmes d’alimentation en eau potable et aux systèmes d’assainissement, il fallait absolument que j’en fasse partie. Je suis même devenu Président du comité miroir de ce TC auprès du Conseil canadien des normes (CCN), une fonction que j’exerce encore aujourd’hui.
Ma carrière dans la normalisation a été marquée en 2011 par la mise en place d’un groupe d’étude spécial de l’ISO consacré à l’eau. C’est un grand honneur pour moi que d’avoir été choisi pour participer à ce groupe. Notre travail a consisté à recommander l’ouverture de nouveaux domaines de normalisation et l’étude d’autres enjeux stratégiques, notamment :
- Optimiser l’usage des ressources hydrologiques disponibles pour nos collectivités
- Traiter nos réserves en eau comme des ressources limitées nécessitant protection et conservation, et un usage raisonnable
Pouvoir participer à ce groupe d’étude historique a été une expérience extrêmement gratifiante, mais j’ai le sentiment qu’il nous reste encore beaucoup à faire. Je reste néanmoins très enthousiaste, et très concerné, par la normalisation dans le domaine de la gestion des ressources en eau.
Trois fois oui aux normes sur l’eau
Nous savons que le désert gagne du terrain dans de nombreuses parties du monde. Nous savons que le changement climatique est en train de modifier les phénomènes météorologiques (notamment les périodes de pluie et de sécheresse) et nous savons que le réchauffement climatique perturbe la capacité de la planète à constituer des réserves d’eau en accélérant la diminution du manteau neigeux et des glaciers, lesquels alimentent les réseaux fluviaux et les lacs, mais aussi les nappes aquifères – où nous nous approvisionnons en eau.
J'ai toujours été fasciné par l'eau.
Heureusement, il y aura toujours autant d’eau sur la planète – mais l’on observe déjà des changements dans sa répartition, sur le globe et sur l’année, et dans la qualité des ressources hydrologiques dans lesquelles nous puisons. Nous devons nous attaquer à ces problèmes à la racine, et nous ne pourrons le faire sans une concertation internationale. À la question « pensez-vous que la normalisation puisse aider à résoudre la crise mondiale de l’eau ? », je réponds oui, trois fois oui !
Premièrement, parce que l’ISO est en mesure de rassembler autour d’une même arène des professionnels du monde entier qui ont les mêmes préoccupations et sont non seulement disposés à partager leurs expériences et réflexions pour les résoudre, mais sont aussi conscients des problèmes et des besoins de toutes les régions du globe.
Deuxièmement, parce que l’ISO a une portée mondiale grâce à un réseau de membres dans 164 pays. Ces membres occupent une position qui leur permet d’encourager l’adoption des normes ISO au sein des communautés concernées dans leur pays.
Troisièmement, parce que l’ISO s’appuie sur un processus d’examen périodique des normes, ce qui garantit leur pertinence par rapport aux besoins du marché. Grâce à celui-ci, les normes sont toujours d’actualité !
Enfin, les Normes internationale sont souvent un moyen excellent et efficace pour aider les pays développés et en développement à intégrer de bonnes pratiques qui améliorent leurs activités et services de gestion de l’eau.
L’eau et les municipalités
La préoccupation, tant personnelle que professionnelle, que je partage avec mes collègues de plusieurs comités techniques de l’ISO auxquels je participe (outre ISO/TC 224, les comités récemment créés ISO/TC 275, Valorisation, recyclage, traitement et élimination des boues, et ISO/TC 282, Recyclage des eaux) concernent essentiellement l’utilisation de l’eau dans le contexte des municipalités.
Nous sommes tous conscients que les municipalités doivent être appréhendées dans la perspective plus large du bassin hydrologique où elles sont situées et des utilisations des ressources en eau qui y sont faites pour l’agriculture et les pêcheries (secteurs indispensables à notre alimentation), pour l’industrie (secteur indispensable à l’emploi et au bien-être économique), et pour nos loisirs. Chacune de ces utilisations est indispensable à notre bien-être.
Les municipalités « prélèvent » entre 10 % et 20 % des ressources disponibles en eau, un chiffre qui varie en fonction de leur bassin hydrologique, de la taille de leur population et des activités économiques menées dans ce bassin. Mais elles restituent la même quantité au bassin hydrologique. Il ne faut pas oublier que l’eau reste sous le contrôle des services municipaux des eaux à toutes les étapes du cycle, à commencer par le pompage à la source, suivi du traitement et de la distribution de l’eau potable, puis de la collecte et du traitement des eaux usées, avant d’être finalement reversée dans la nature. En outre, comme les utilisateurs (consommateurs) d’eau sont les clients des organismes qui fournissent le service des eaux, ils sont aussi influençables, au sens où les organismes peuvent les sensibiliser à la valeur de l’eau et les inciter à modérer leur consommation – un rôle qu’il faut encourager !
La normalisation permet de codifier les meilleures pratiques de gestion des eaux mises en œuvre, quelle que soit la taille du réseau, ou quel que soit l’environnement, rural ou urbain, sans perdre de vue les besoins et les capacités des pays en développement, où les conséquences de la crise mondiale de l’eau que subissent nos populations et notre environnement sont les plus évidentes.
Plus d’efforts
Des efforts supplémentaires devront être déployés pour accroître la visibilité des normes ISO sur l’eau et – cela va de soi – le nombre de pays qui participent à leur élaboration. Nous devons assister l’ISO dans son travail de sensibilisation pour que les pays du monde entier, et leurs parties prenantes nationales, comprennent le rôle central que les normes peuvent jouer pour favoriser une utilisation efficiente et durable de nos ressources hydrologiques, sans négliger le rôle tout aussi capital des experts engagés dans les travaux de normalisation. Nous autres experts devons profiter de nos prises de parole pour encourager une plus large adoption de ces normes nationales ou bonnes pratiques auprès des parties prenantes des services de l’eau. Nous devons défendre avec ferveur le travail de pointe que nous avons réalisé.
Les représentants qui s’impliquent dans les travaux des comités techniques de l’ISO sont d’éminents experts qui font preuve d’un engagement sans faille. Nous devons trouver un moyen d’encourager ceux qui doivent adopter les normes et les appliquer, de le faire. Si, d’une quelconque manière, cet article pouvait y contribuer, j’en serais heureux.