Les économistes ont des motifs d’optimisme

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ISOfocus a rencontré Simon Baptist, économiste et consultant économique de renom, pour discuter de la situation de l’économie mondiale. Ses commentaires semblent très porteurs, voire encourageants, quant à l’aide qu’un recours généralisé aux Normes internationales apporterait pour relever les défis des nouvelles technologies et profiter à l’économie mondiale.

 

Simon Baptist, Économiste en chef, Economist Intelligence Unit (EIU), a pour mission d’assurer un leadership intellectuel dans les domaines couverts par l’EIU afin de veiller à ce que ses analyses économiques et politiques soient, comme ses prévisions, les meilleures à la disposition des décideurs internationaux. Il est aussi en charge de la gestion d’une équipe mondiale d’économistes, de consultants et de rédacteurs. Voici les principaux points marquants de l’entretien.

Simon BaptistISOfocus : L’économie mondiale évolue. Comment une organisation telle que l’ISO peut-elle soutenir ces changements, ou s’y adapter ?

Simon Baptist : Les normes jouent un rôle important en aidant à profiter des avantages de la mondialisation de l’économie. Elles permettent, par exemple, aux clients de différents marchés d’avoir confiance dans la qualité des produits ou d’aider les autorités de tutelle à harmoniser les agréments. Il sera utile d’amener davantage de pays et de secteurs à employer largement les Normes internationales, tout comme il le sera de rester à la pointe des défis posés par les nouvelles technologies de production, comme la robotique et l’intelligence artificielle (IA). Il ne faut pas non plus oublier les besoins nouveaux de procédures normalisées autour de questions de plus en plus importantes, comme les données.

Quel espoir avez-vous pour l’avenir ?

Je reste optimiste quant au potentiel à long terme de marchés émergents tels que la Chine. L’urbanisation ne fait que commencer dans de nombreux endroits, et elle pourrait soulever un grand nombre de nouvelles opportunités car la productivité des emplois urbains, y compris des plus basiques, a tendance à être supérieure à celle de l’agriculture de subsistance. Les citadins peuvent aussi être plus facilement connectés aux infrastructures, et de ce fait aux marchés mondiaux d’exportation que pratiquement tous les pays émergents doivent atteindre s’ils veulent qu’un pan de leur population acquière le statut de classe à revenu intermédiaire et élevé.

Bon nombre d’économistes se demandent si la croissance de la productivité du siècle qui s’ouvre sera ou non durablement plus faible que celle que nous avons connue au siècle dernier en raison de l’incidence des nouveaux moyens de communication. L’effet de l’Internet et d’autres technologies sur la croissance économique pourrait être moindre que celui de certaines des inventions des cent dernières années. Comparons l’impact du chauffage central et de la climatisation sur la productivité, par rapport à celui de Facebook ! Je ne suis pas aussi pessimiste que certains concernant ce point, mais je suis convaincu que cette vision est excessivement axée sur les États-Unis et d’autres marchés développés. Des pays tels que le Nigéria, l’Inde, le Viet Nam ou la Chine recèlent toujours un potentiel de croissance considérable pour les 30 prochaines années au moins, et ce en ayant uniquement recours aux technologies existantes.

Vous établissez régulièrement des prévisions pour The Economist concernant les tendances futures. Quand vous êtes-vous trompé ?

Facile ! L’an dernier, j’ai été à la fois surpris par le vote en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et par l’élection de Donald Trump à la Présidence des États-Unis. Cette révélation n’a sans doute rien de très captivant dans la mesure où la plupart des prévisionnistes se sont trompés concernant ces deux événements.

De façon plus subtile, je n’ai pas détecté la résurgence du nationalisme en Asie, ni le ralentissement des avancées sur des questions telles que la démocratie et les droits de l’homme que nous observons depuis 12 à 18 mois.

Vous avez récemment animé le Sommet mondial sur l’industrie manufacturière et l’industrialisation d’Abou Dabi sur l’avenir de la fabrication. Comment la normalisation peut-elle aborder certains des défis mondiaux auxquels le secteur manufacturier est aujourd’hui confronté ?

Selon moi, le secteur manufacturier doit actuellement faire face à trois défis majeurs. Le premier consiste à déterminer comment veiller à ce que les nouveaux processus, dont bon nombre sont surnommés « Industrie 4.0 », apportent une contribution positive à la société à l’échelon planétaire et soutiennent les aspirations des peuples à avoir de meilleurs emplois et conditions de vie. L’avenir existe là où la robotique et l’IA, par exemple, promeuvent une productivité accrue, des biens meilleur marché et davantage de temps de loisir. Mais elles pourraient entraîner un accroissement des inégalités et du chômage. L’industrie doit s’engager auprès des pouvoirs publics pour élaborer des cadres de politiques qui permettront d’atteindre des résultats positifs. Des normes élaborées de façon à être cohérentes avec ces politiques offriraient une contribution positive.

Deuxièmement, la protection durable de l’environnement sera un défi toujours plus important. Il ne s’agit pas uniquement du changement climatique, même si c’est un élément important. Les écosystèmes partout dans le monde subissent d’intenses pressions et le secteur manufacturier est essentiel – directement ou par le biais de ses chaînes d’approvisionnement et d’utilisation – à toute solution. Des normes détaillées, transparentes et vérifiables en termes d’impact environnemental tout le long de la chaîne pourraient s’avérer utiles.

Enfin, le secteur manufacturier a été un important bénéficiaire des marchés ouverts et pourrait être confronté à un risque si le sentiment de nativisme qui se propage actuellement à toute allure dans de nombreux pays devait entraîner une moindre ouverture entre les pays. Selon moi, ceux qui exercent une activité manufacturière doivent activement et publiquement défendre les effets bénéfiques de cette ouverture et veiller à ce que chacun prenne la mesure de la valeur qu’elle crée et la partage.

Elizabeth Gasiorowski-Denis
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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus