Logistique : s’adapter pour maintenir le cap
Dans un monde qui se réinvente, les entreprises repoussent les limites du commerce en ligne.
Le secteur du e-commerce connaît aujourd’hui un essor fulgurant dans le monde entier. Avec des transactions chaque jour plus nombreuses, la vente en ligne s’impose comme un marché à la fois florissant et complexe. Pour permettre la croissance du e-commerce et de ses nombreuses variables, le secteur de la logistique doit se mettre au diapason.
La logistique des plateformes d’e-commerce consiste à stocker les marchandises et à les acheminer de la boutique virtuelle vers le client final. Elle englobe également la gestion des stocks tout au long de la collecte, de l’emballage et de l’envoi des commandes passées en ligne.
Hongru (Judy) Zhu sait à quel point la logistique joue un rôle majeur chez Alibaba. Responsable Normalisation du Groupe, elle estime que la chaîne logistique a un urgent besoin de normes pour être plus efficace. « C’est un outil précieux qui favorise l’échange d’informations entre les partenaires logistiques », explique Mme Zhu. « Sans normes, il serait impossible de mettre en œuvre des chaînes d’approvisionnement mondiales intelligentes, ni même d’envisager une coopération ou un partage d’informations entre les acteurs logistiques du monde entier. »
Grâce aux réseaux logistiques mondiaux intelligents, les consommateurs peuvent aujourd’hui acheter des marchandises sur le site de leur choix et suivre en temps réel l’acheminement de leur colis. Les informations circulent plus facilement entre les frontières, ce qui rassure les acheteurs, qui sont libres de faire leurs emplettes aux quatre coins du monde.
Les normes ISO garantissent une visibilité complète et en temps réel sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
Une visibilité étendue
Pour assurer l’approvisionnement en marchandises au niveau mondial, les entreprises de logistique doivent donc se montrer encore plus performantes et efficaces. La chose n’est pas aisée eu égard à la complexité du secteur. En disposant d’une « vue d’ensemble », elles pourront optimiser la gestion et réduire les coûts de ces chaînes d’approvisionnement sophistiquées, qui s’étendent sur un nombre croissant de pays. Des opérateurs logistiques aux transporteurs en passant par les clients, toutes les parties prenantes ont besoin de savoir exactement où se trouvent leurs marchandises à l’instant T. Les normes ISO peuvent les y aider en garantissant une visibilité complète et en temps réel sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises et les consommateurs peuvent connaître la localisation exacte d’un produit à tout moment, mais aussi d’où il provient et pourquoi il se trouve à telle ou telle étape.
La plateforme électronique fournie par un Port Community System (PCS) pour le transport maritime, ou un Cargo Community System (CCS) pour le fret aérien, est la pierre angulaire du réseau d’intelligence logistique. Nécessaire au bon déroulement des transactions, elle permet de relayer les messages et de réutiliser les données dès que cela est possible. Les acteurs intervenant dans le transport de marchandises à l’échelle mondiale n’ont ainsi plus besoin de saisir plusieurs fois leurs données.
Si les systèmes régionaux d’informations logistiques (tels que les PCS ou CCS) peuvent aujourd’hui fournir des données sur les chaînes logistiques principales, comme les compagnies aériennes ou les ports, cette technologie gagnerait à être utilisée par les entreprises de logistique opérant à un niveau plus local. Enfin, de nombreux problèmes subsistent autour de l’échange d’informations entre ces systèmes.
Venir à bout de la complexité
Ces structures interconnectées ont besoin d’être simplifiées, et c’est là que les normes entrent en jeu. Pour Mme Zhu, qui a été Présidente du comité technique ISO/TC 154, en charge de la normalisation de l’échange d’informations pour faciliter les échanges commerciaux, les avantages concrets qu’offrent les normes ISO dans le domaine de la logistique sont clairs. « Les normes ISO contribuent à lever les obstacles au commerce, améliorent les processus logistiques et créent un langage commun pour tous les acteurs du marché. »
ISO 23354, Business requirements for end-to-end visibility of logistics flow, qui spécifie les exigences pour une visibilité de bout en bout des flux logistiques, vise à rendre l’échange de données plus efficace. Cette norme repose sur le modèle de données sémantiques du Centre des Nations Unies pour la facilitation du commerce et les transactions électroniques (UN/CEFACT), notamment le modèle de données de référence sur le transport multimodal (MMT-RDM). Conçue pour réduire le coût des interconnexions entre les systèmes d’informations logistiques et leurs utilisateurs, ISO 23354 définit trois types d’exigences métiers pour la visibilité des flux logistiques :
- Exigences en matière d’architecture réseau des systèmes d’informations logistiques
- Exigences en matière d’échange de données de visibilité entre les systèmes d’informations logistiques
- Exigences en matière de processus et d’interface de données de visibilité pour les réseaux de systèmes d’informations logistiques
D’après Mme Zhu, « tout l’intérêt de cette norme réside dans le fait qu’elle permet aux utilisateurs d’obtenir des données provenant de différents PCS via une seule et même interface normalisée, en fonction du niveau d’accès qui leur a été accordé ». Dans la pratique, la diversité et la non-interopérabilité des solutions techniques et des formats de données émanant des différents systèmes d’informations logistiques régionaux compliquent grandement la formation de flux de données complets. Un utilisateur qui demande des données concernant un container spécifique peut ainsi recevoir des informations distinctes et non uniformisées de deux systèmes d’informations logistiques.
Un flux de données en construction
La visibilité logistique doit être efficace et économiquement viable. À cette fin, les fournisseurs de systèmes d’informations logistiques s’efforcent de proposer en permanence aux différents types d’utilisateurs des données plus précises et normalisées sur l’état des événements. En outre, les utilisateurs doivent pouvoir accéder à différents PCS par le biais d’interfaces unifiées.
C’est précisément la finalité de la future norme ISO 23355, qui vise à établir des connexions entre les systèmes d’informations logistiques pour répondre aux exigences des différents fournisseurs et consommateurs de données. Cette norme, qui repose également sur le modèle MMT RDM du CEFACT-ONU, est destinée aux fournisseurs de services d’informations logistiques tels que les PCS, les CCS ou encore les systèmes de transport de marchandises, ainsi qu’aux administrations et aux utilisateurs de données logistiques qui pourront suivre les flux et optimiser leurs services.
« Le coût de développement des accès devrait être réduit grâce à des interfaces normalisées, et les systèmes d’informations logistiques devraient fournir des données utiles à moindre coût afin d’améliorer l’expérience utilisateur », se félicite Mme Zhu. « Cela permettra également de réduire drastiquement les erreurs d’interprétation. » Échanger des informations en temps réel avec les parties prenantes du monde entier de manière contrôlée et sécurisée semble être une solution toute trouvée. C’est la raison pour laquelle les entreprises s’appuient sur les normes ISO.
Selon Mme Zhu, ISO 23354 et ISO 23355 sont développées à l’aide de solutions industrielles. Elles se basent sur les bonnes pratiques du secteur en matière d’échange de données de visibilité, élaborées conjointement avec le CEFACT-ONU et des membres du réseau NEAL-NET (Northeast Asia Logistics Information Service Network), de l’IPCSA (International Port Community Systems Association) et de la LOGINK (National Public Information Platform for Transportation and Logistics) en Chine. En parallèle, la libre circulation des données est encouragée par le projet Network of Trusted Networks (Réseau de réseaux de confiance), une initiative de l’IPCSA qui entend simplifier les accords transfrontaliers et la négociation des prix.
L’avenir de la logistique
Jamais un événement n’avait eu autant de conséquences sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement que la pandémie de COVID-19. Cette période inédite de notre histoire nous a appris plus que toute autre à quel point nous avions besoin d’être connectés, et à quel point nous sommes dépendants des technologies pour faire tourner l’économie. Le secteur de la logistique a su réagir rapidement, en procédant aux ajustements nécessaires pour minimiser l’impact sur les clients.
Plusieurs mois après, l’e-commerce semble s’être inscrit définitivement dans les nouvelles habitudes de consommation. Cependant, les défis restent nombreux pour les commerçants, qui devront notamment améliorer l’efficacité des techniques marketing et de vente en ligne, tout en proposant de nouveaux produits en phase avec les nouvelles demandes des clients. Les normes ISO seront d’une grande utilité pour aider les entreprises à faire évoluer leurs activités, à répondre aux attentes des clients et à créer une valeur ajoutée. Il est temps d’exploiter pleinement le potentiel de nos chaînes d’approvisionnement numériques. L’innovation logistique n’est plus une option, elle est aujourd’hui une nécessité absolue.